top of page
Rechercher

Gestion de la diversité et accommodement raisonnable : une approche intégrée (partie 1)

Résumé


L’auteur traite dans un premier temps des bénéfices découlant de l’implantation d’un programme et d’une culture assurant une gestion harmonieuse de la diversité. Il rappelle que gérer la diversité ne se limite pas à procéder à un recrutement ciblé, mais plutôt àassurer un épanouissement professionnel à tous en fonction de leurs compétences. Il énumère les systèmes de ressources humaines qui nécessitent une évaluation afin de s’assurer de l’absence de biais, souligne l’importance de la formation et suggère d’amorcer ses démarches par une consultation des employés sur leurs perceptions et opinions face à la diversité. Gérer la diversité est d’abord une question de respect, mais également une question de survie pour les entreprises face à une concurrence très vive afin d’attirer la main-d’oeuvre.


INTRODUCTION


La situation que l’on vit actuellement sur le marché de l’emploi n’est pas un phénomène qui est arrivé subitement au Québec et ailleurs dans le monde. Il était prévisible que le vieillissement de la population entraîne cet effet. S’ajoute à cette réalité, une économie vigoureuse, ce qui favorise la création d’emplois. On constate alors que des personnes en âge de prendre leur retraite sont sollicitées pour demeurer actives sur le marché du travail, alors que dans certaines entreprises on intervient sur les règles d’accès à une rente de retraite immédiate afin de retarder le départ à la retraite de leurs employés les plus anciens.


Par contre pour plusieurs, c’est plutôt vers l’accueil de travailleurs immigrants qu’il faut se tourner afin de faire face à cette pénurie. Or, c’est une chose d’attirer les travailleurs immigrants en leur faisant miroiter des chiffres révélateurs de possibilités d’emploi, c’en est une autre de s’assurer que ces travailleurs auront une réelle chance de se faire valoir et ainsi vivre une carrière stimulante dans leur pays d’adoption.


Pour ce faire, il est donc urgent que les entreprises développent chez leurs gestionnaires les habiletés requises afin de bien composer avec la diversité, mais aussi implantent une dynamique d’entreprise ouverte, accueillante et assurant une chance égale à tous. C’est là qu’intervient l’exigence d’adopter une dynamique de gestion de la diversité qui permette non seulement l’embauche de travailleurs immigrants, mais leur épanouissement professionnel. Dans les années 1990, ce sujet était fort d’actualité et plusieurs entreprises avaient emboîté le pas d’une gestion proactive des différences en milieu de travail. Puis au fil des années, nous avons constaté un certain relâchement à cet égard. Il est maintenant temps de remettre le tout sur le métier, et ce, de toute urgence.



I─ POUR UNE GESTION DE LA DIVERSITÉ QUI TRANSCENDE L’EMBAUCHE


Bien sûr, la diversité n’est pas que le fait d’ethnicités, de cultures et de religions différentes. Elle se retrouve également au niveau des générations, de l’orientation sexuelle, de la situation économique des personnes, des handicaps et autres éléments qui créent des différences entre les personnes. Ainsi, une dynamique d’ouverture s’adressera à l’ensemble des composantes de la diversité en entreprise pour en faire un milieu respectueux des différences et accueillant. Mais le portrait de la diversité en raison du nombre de personnes impliquées et de l’enjeu portant sur le manque de main-d’oeuvre vise tout particulièrement les personnes d’origines ethniques différentes, de culture et de religions différentes. Bien que de toutes les époques il était fort inacceptable qu’une entreprise fasse preuve d’exclusion envers une personne différente, il en va à l’heure actuelle de sa survie même à court ou moyen terme, considérant que la compétition entre les entreprises afin d’attirer et de fidéliser les talents n’a jamais été aussi vive.


Toutefois, pour que les objectifs en lien avec l’emploi soient atteints, il faut compter sur bien plus que les efforts de recrutement afin d’attirer les travailleurs immigrants. Il faut leur offrir un milieu où est solidement implantée une politique de gestion de la diversité, complète, structurée et bien intégrée. C’est aussi par le biais des effets de cette culture interne favorisant l’ouverture et le partage de connaissances qu’il sera possible de fidéliser ces employés.


II─ LES COMPOSANTES D’UN PROGRAMME DE GESTION DE LA DIVERSITÉ


Dans un premier temps, il importe que tout programme de gestion de la diversité s’appuie sur un engagement fort de la direction, un engagement qui se concrétise, par l’exemple la valorisation des bons comportements, des messages forts et une politique de tolérance zéro envers tout geste ou propos exprimant de l’intolérance à la différence.


Par exemple, il est important de faire connaître l’engagement de l’entreprise en faveur de la diversité, et ce, autant dans ses communications externes que celles à l’interne. L’entreprise envoie un message clair aux employés, aux futurs employés, aux clients et au public en général concernant ses valeurs et ses priorités organisationnelles, et fait en sorte que le milieu de travail soit plus invitant à l’égard de personnes de tout horizon.


Concrètement une politique portant sur la diversité et l’inclusion qui énonce clairement que l’organisation s’engage à adopter des pratiques non discriminatoires et à donner à tous des chances égales, vient renforcer le message et indiquer à tous les valeurs sur lesquelles repose l’entreprise à ce sujet. Cette politique peut aussi intégrer un volet visant le respect de la personne et la gestion de conflits.


Par ailleurs il peut s’avérer utile de procéder à une révision de l’ensemble des pratiques de gestion des ressources humaines en vigueur dans l’entreprise en partant de l’embauche et l’accueil jusqu’aux programmes de reconnaissances s’il en existe, en passant par les modes de sélection et la gestion des carrières permettant de progresser dans l’organisation. L’objectif étant de s’assurer qu’il n’existe aucune pratique discriminatoire ou biais qui défavoriserait une personne en raison d’une caractéristique non reliée à sa compétence. Il est alors important de passer d’une culture où seul son réseau de connaissances internes ou externes permet être choisi à une culture qui fait de la place à toute personne en fonction de ses compétences.


Les difficultés entourant les rapports entre des personnes différentes sont souvent le fait d’une méconnaissance de l’autre, c’est connu. Afin de contrer ce phénomène, il peut être utile de partager de l’information sur les différentes cultures, organiser des activités thématiques portant sur différents angles de la diversité, susciter des discussions sur le sujet afin que globalement les différences s’apprivoisent, la compréhension des réalités de chacun grandisse et que le milieu de travail s’en trouve plus sain, plus harmonieux.


Ces activités et programmes de formation amènent les employés à reconnaître, à comprendre et à valoriser les différences. Ils permettent d’améliorer les processus décisionnels en aidant les gestionnaires à prendre conscience de leurs préjugés et des stéréotypes ambiants pour ensuite adopter de bonnes pratiques qui ont des retombées positives face aux différentes catégories de main-d’oeuvre. Par conséquent, le contenu de ces programmes démystifie la notion même de diversité. La formation sur la diversité constitue souvent le premier geste à poser dans le cadre d’un plan stratégique portant sur la diversité.


Un autre élément qu’il est primordial d’aborder, tant avec le nouvel employé qu’auprès d’un gestionnaire nouvellement arrivé sur le marché du travail local, relève du style de gestion en vigueur dans nos entreprises. Graduellement, le style plus collégial que hiérarchique s’implante, alors que, nonobstant le statut de l’employé, il peut être appelé à prendre part aux discussions, aux orientations, voire aux décisions. La notion de simple exécutant s’efface peu à peu pour s’assurer que chacun trouve un sens à sa contribution à l’entreprise, se sente concerné, impliqué et, partant, engagé.


Cela doit être expliqué, car dans plusieurs milieux, la démarcation entre les rôles et ce qui est attendu de chacun en fonction dudit rôle est fort différente. Ce qui pourrait être perçu ici comme un manque d’implication d’un employé aux affaires de son organisation n’est peut-être qu’une réaction à un environnement et un phénomène nouveau pour lui n’ayant jamais été sollicité à cet égard. Par ailleurs, un nouveau gestionnaire peu habitué à consulter ses employés et leur transmettre de l’information partagée entre les gestionnaires peut mal réagir face à un employé qui se permet de donner son point de vue au niveau de l’organisation du travail ou qui se plaint de n’être pas suffisamment informé de ce qui se passe dans l’entreprise. Il n’y a dans tous ces cas aucune mauvaise foi, que de la méconnaissance des pratiques en vigueur, qu’il importe de partager et d’en expliquer le sens.


Finalement, il est important de bien se préparer à toute demande d’accommodements ou d’adaptation et de bien informer autant les employés et les gestionnaires à cet égard, et ce, dans un esprit d’ouverture.


Les employés et les gestionnaires doivent comprendre le principe de l’obligation d’adaptation et pourquoi tout le monde peut en bénéficier. Il faut veiller à ce qu’ils n’aient pas l’impression que par adaptation on entend « traitement de faveur ». L’obligation d’adaptation doit toujours être axée sur la résolution de problème et impliquer toutes les personnes concernées. L’accommodement ou l’adaptation répond à une réalité particulière, souvent incontournable.


Encore une fois, une politique claire sur la gestion des adaptations ou accommodements peut s’avérer un bon moyen pour éviter d’être dépourvu lorsqu’une telle demande est soumise à la direction de l’entreprise. Nous reviendrons dans la deuxième partie de cet article sur l’encadrement des demandes d’adaptation ou d’accommodement.


III─ LES BIENFAITS D’UNE GESTION PROACTIVE DE LA DIVERSITÉ


Comme en toute chose, ce qui est connu, clair et bien intégré est susceptible d’apporter des effets positifs. La gestion de la diversité ne fait pas exception. En effet, en réduisant les sources de tension entre les personnes par une meilleure connaissance et compréhension mutuelle il en ressort une diminution des sources de conflits et partant, un meilleur climat de travail. En s’assurant de mettre à contribution les différences de chacun pour faire grandir l’organisation, on peut donc en arriver à accroître la performance organisationnelle. À n’en point douter, une gestion efficace de la diversité améliore également l’image, la réputation de l’entreprise et de ce fait son pouvoir d’attraction. Dans le contexte d’une pénurie de main-d’oeuvre, ce n’est pas à négliger.


Mais attention : selon les auteurs Saba et Dolan de l’École des relations industrielles de l’Université de Montréal, bien que « de plus en plus d’études énoncent les mérites de la gestion de la diversité, autant sur le plan individuel que sur le plan organisationnel. Elles n’ont cependant pas été en mesure de quantifier empiriquement et concrètement les succès liés à la diversité. Elles suggèrent plutôt l’existence d’une relation complexe entre la diversité et l’efficacité organisationnelle. Cette relation est modelée par des facteurs tels que la culture organisationnelle, les caractéristiques démographiques ainsi que l’engagement et l’attitude des supérieurs »[1].


D’où l’importance de ne négliger aucun volet lorsqu’il est question d’implanter un programme de gestion de la diversité en entreprise. Il pourrait être utile dans plusieurs cas d’amorcer le tout en procédant à une consultation des employés sur leurs perceptions par rapport à la diversité, que ce soit par un sondage comportant toutes les garanties de confidentialité ou des rencontres individuelles selon le nombre d’employés. Ainsi il serait possible de connaître le degré d’ouverture, les préjugés, les craintes et ainsi mieux cibler les gestes à poser, ce qui permet de développer un plan stratégique pertinent. Par la suite, il est primordial d’accorder une attention particulière à ses gestionnaires et chefs d’équipe afin qu’ils agissent avec leadership et engagement lors de la mise en oeuvre de pratiques nouvelles certes, mais aussi au quotidien lorsqu’ils sont appelés à gérer les rapports entre les individus au sein de leur équipe de travail.



CONCLUSION


La gestion de la diversité en entreprise est d’abord une question de respect envers chacun. À la base, chaque être humain est différent de l’autre. Il réagit différemment face à une situation, vit différemment autant les expériences positives que les expériences négatives auxquelles il a à faire face, développe une vision différente de la vie à partir de son vécu, son éducation, les personnes qui l’ont influencé. Lorsque s’ajoutent des composantes culturelles, ethniques et religieuses, les différences deviennent encore plus marquantes, d’où l’importance de favoriser l’ouverture de tous face aux différences afin de permettre à chacun de s’épanouir et à l’ensemble de progresser et permettre à l’organisation d’atteindre ses objectifs. Et pour ce faire, il convient d’aborder le tout d’une manière structurée, en tenant compte des réalités du milieu, mais surtout avec conviction de la part des dirigeants de l’entreprise, une conviction qui deviendra contagieuse et inspirante pour les autres membres de l’entreprise.

* François Landry, M.O.M., CRIA, a travaillé pendant 36 ans à la direction des ressources humaines et des relations de travail pour une grande entreprise du secteur public. Depuis la fin de 2016, il dirige la firme de consultants François Landry Solutions RH.


1 Simon L. DOLAN et Tania SABIA, , La Gestion des ressources humaines : tendances, enjeux et pratiques actuelles, 5eéd., ERPI Sciences administratives, , 2013, p. 676.




7 vues0 commentaire
bottom of page